Festival Les Emouvantes 2020
17 & 18/09/20 au Théâtre des Bernardines – Marseille
Cette année, c’est masqué que l’on pénètre dans la cour du théâtre. Un passage par le gel, puis par l’accueil
avant de rejoindre l’entrée de la chapelle, devenue salle de spectacles. 19h tapantes, (les concerts commencent à l’heure, précise la brochure), Claude Tchamitchian, le directeur artistique, masque à la main, (il est bien à 10 mètres du premier spectateur) présente la soirée.
Premier concert du jeudi, le saxophoniste Jean-Charles Richard rentre sur scène, un sax soprano et un baryton à la main. Il commence, en douceur, par Motherless Child. Un gospel, bien connu qu’il arrange, à sa façon, pour son saxophone soprano. On est loin de la version de Richie Heavens à Woodstock, quoique, l’intensité soit tout autant palpable.
Il enchaine sur une de ses compositions avant d’accrocher le baryton à son harnais (c’est que ça pèse un sax baryton) pour quelques titres ornithlogiques, nous dit-il.
Un set solo, certes, mais pourtant, Jean-Charles Richard réussi à jouer, le riff, la mélodie et la basse simultanément et… successivement sur son seul baryton. Après un passage virtuose, néo-classique au soprano, il fait en fin de set, sur le micro à gauche, un solo de percussions, du scatt presque, avec les clapets du sax.
Impressionnant. En rappel, un hommage à Steve Lacy dont il interprète New Duck, en précisant: On collabore avec son instrument on ne le soumet pas. Instants magiques de pure beauté.
Le temps de se restaurer, l’heure du second concert arrive. Ils sont deux. Le pianiste anglais Matthew Bourne et le clarinettiste normand Laurent Dehors. Leur set s’intitule:
A Place That Has No Memory Of You, tout un programme.
Un duo, des dialogues, parfois soutenus parfois mélancoliques. Le pianiste joue quelques fois debout, des harmoniques directement sur les cordes du Steinway.
Le clarinettiste nous fait découvrir toutes les sonorités de ses instruments, du sopranino à la clarinette contrebasse (mais si, cela existe!). Deux à la fois même.
Il va même chercher en coulisse sa musette, un biniou du Berry, pour un moment presque dansant.
Un long morceau, « triste », c’est son nom, en 4 ou 5 parties, clôture le set. D’une longue intro lente, largo, piano solo à une fusion des deux musiciens, deux mains staccato sur le clavier, alternance de clarinettes vives, presque chahuteuses. En rappel, le sautillant « 2666 », extrait de leur album « Chansons d’amour ».
Fin d’une bien belle soirée. On peut ranger le piano.
Et profiter de la nuit autour d’un verre….

Vendredi 18.
Toujours les travaux dans Marseille…
On commence par un duo pour finir par le solo.
Danses de l’inouï , assis tous deux, côte à côte, Jacky Molard au violon et François Corneloup au baryton (très en vogue aux Émouvantes cette année). Un set qui sera, le nom l’indique bien, très dansant.
Dès le deuxième thème, ils jouent une gigue, pas celtique comme les origines bretonnes de Jacky Molard pourrait le laisser penser, mais d’une souche bulgare, le titre « Red Gigue » le confirme. On n’ira pas jusqu’à affirmer que l’on sautille sur place (avec un masque cela n’est guère recommandé) mais chez certains spectateurs l’envie de taper du pied commence à poindre.
Le titre suivant Redites qui n’est pas un inédit comme le précise malicieusement François Corneloup, est dédié à Claude Tchamitchian. Le voyage continue, ils nous emmènent à Chypre où le violon est joué en accord (façon guitare),
en pizzicati et, comme il se doit, à l’archet, soutenu par le sax qui fait, là, office de basse. Ils rejoignent finalement la Bretagne pour une nouvelle gigue, bel et bien celtique cette fois-ci. Un set, un concert totalement lumineux.
Pour finir cette soirée (et pour moi hélas ce festival) le guitariste David Chevallier va nous plonger dans Le cœur du sujet.
Une création comme les aime l’équipe -et le public- des Émouvantes.
Un projet solo à la guitare électrique au cœur de quatre dispositifs sonores. L’ampli Fender, deux enceintes de retour, un baffle, alimentés par les six cordes, les trois micros, de la Telecaster Eagletone Custom
et un passage dans un ordi qui spatialise chaque note, chaque vibration. Cela parait artificiel à la description mais dès le premier accord, dès que David Chevallier pose son bottleneck sur son instrument, on oublie la technique pour n’être plus qu’à l’écoute de l’imaginaire du guitariste.
De nouveau, un voyage, plus irréel celui-là, aux rythmes du déplacement des doigts, sur le manche, sur le corps de cette guitare. Une note arrive de droite, est reprise à gauche avant de se fondre derrière percutée par une ou plusieurs autres. David Chevallier parait extrêmement concentré, les yeux fermés le plus souvent, il enchaine les passages mélodieux avec d’autres plus crunchy repoussant les limites d’une improvisation boostée par la magie du calcul informatique.
Un seul mot: grandiose.
Les organisateurs le promettent déjà, tous ces musiciens reviendront l’an prochain défendre leur projet dans leur entièreté. Pourvu que cette saleté de corona nous laisse enfin tranquille.