Archives pour la catégorie Rock

chroniques Rock CD et concerts

One (More) Shot

One Shot: 111

(Le Triton/L’Autre Distribution)

https://oneshot-letriton.bandcamp.com/

Emmanuel Borghi: claviers; Philippe Bussonnet: basse;
Daniel Jeand’heur: batterie; Bruno Ruder: Claviers.

Le Live au Triton tourne encore régulièrement dans la platine, et voilà qu’arrive dans les bacs physiques et leurs alter ego numériques, le nouvel opus du quartet One Shot, le septième du nom (111 en numération binaire!) . Désormais avec deux claviers, ils poursuivent leur route dans ce jazz fusion qui gronde, qui exsude. Un jazz Off The Grid, complétement à part, distillé en cinq long morceaux qui prennent leur temps. Emmanuel Borghi et Bruno Ruder, qui sont, on le rappelle, tous deux passés par la bande à Vander, rivalisent d’inventivité sans jamais envahir l’espace de l’autre. Courtes boucles sur de longues phrases rageuses, Rhodes, Korg, synthés sont aux anges, servis par un binôme rythmique de choc. Philippe Bussonnet, lui aussi disciple de Magma, va parfois jusqu’à slapper son chorus sur une Jazz Bass ronflante et roborative. Daniel Jeand’heur, en maître des toms et cymbales, assure une rythmique des plus palpitante. Sans renier leurs précédents albums, ce One Shot nouvelle mouture relance la machine de fort belle façon.

On regrettera tout de même (peut-être pas eux!) l’absence de guitariste. Mais peut-être n’est était pas encore temps pour « remplacer » le regretté James Mac Gaw.

Janis et Jorma

Janis Joplin & Jorma Kaukonen:
The Legendary Typewriter Tape

(Omnivore Records)

Janis Joplin: vocals; Jorma Kaukonan: guitare;
Margareta Kaukonen: Typewriter

En ce 25 juin 1964, Madame Kaukonen (Margareta de son petit nom), tape, avec la détermination d’un Dashiell Hammett survolté, sur son Underwood dans le salon de l’appartement familial.

A l’autre bout de la pièce, la jeune Janis Joplin, 21 ans et, celui qui à 24 ans n’est pas encore le guitariste du Jefferson Airplane, Jorma Kaukonen, tentent de faire un peu de musique ensemble. Ils ont un magnétophone à bandes et, malgré les tcha, tchak, gling de l’épouse, ils vont -mais ils ne le savent pas encore- livrer quelques sept petites perles bluesy à la postérité. « Est-ce qu’on enregistre? » demande Janis en regardant le bruit fait par les touches de la machine à écrire. Jorma, impassible, s’accorde et c’est parti pour Trouble In Mind. Ils enchaineront par Long Black Train puis, plus tard, par le fameux Hesitation Blues qui fera le bonheur des fans du Hot Tuna à presque tous leurs concerts. Ils finissent cette séance par une compo de la chanteuse, Daddy, Daddy, Daddy.  Jorma a déjà son style inimitable à la six-cordes acoustique et une parfaite maitrise du manche, quant à la voix de Miss Joplin elle n’est pas encore martyrisée par les excès. Un petit bijou! 23 courtes minutes magiques qui réapparaissent enfin en numérique, en CD et en vinyle avec un son remasterisé. On est loin des K7 pirates de 6 ou 7e génération qui circulaient sous le manteau et dont le pleurage et le scintillement rendaient presque inaudible la musique et pourtant déjà quel bonheur.

Thierry Eliez plays Keith Emerson

Thierry Eliez: Emerson Enigma

(Dood Music /Idol)

Pianiste, compositeur, arrangeur, Thierry Eliez a toujours été passionné par la musique de Keith Emerson, claviériste de The Nice et surtout de E.L.P. (Emerson, Lake & Palmer). Pour lui rendre hommage, il a décidé de réinterpréter ses plus fameux thèmes.  Il aurait pu se laisser tenter par une pléiade de synthés ou une grandiloquence très emersonnienne, mais non, il fait le choix de l’épure, de l’acoustique, un simple (!) piano Fazioli allié – belle idée- à un quatuor à cordes top niveau (Guillaume Latil au violoncelle – magnifique dans Trilogy).  L’album aurait pu n’être qu’un superbe exercice de style, là, il rajoute ce petit plus avec des arrangements d’une grande élégance. Et qu’il nomme cet ensemble Manticore (nom du Label de E.L.P.) est un joli clin d’œil. Autre écueil évité, les parties chantées.  Elles sont aussi très réussies même si Thierry Eliez n’a pas la puissance évocatrice de Greg Lake. Il a une façon de se fondre dans la chanson qui est frappante et quand la vocaliste Ceilin Poggi le rejoint, le soutient, l’élève, Trilogy, Knife Edge le résultat est encore plus prégnant. Il reprend même parfois les intonations du chanteur anglais comme si elle était partie intégrante du morceau, faisant de ce disque un hommage à Keith Emerson mais aussi de facto à Greg Lake. Trois longues suites dans lesquelles, Thierry Eliez mêle, emmêle aux compos d’Emerson, du Bach, du Janáček ou même une petite citation de Monk. A un Trilogy d’anthologie s’ajoute un Take A Plebe époustouflant de près de quinze minutes. Chapeau bas Monsieur Eliez!

Une bonne occasion après l’écoute de ce CD de ressortir ses vinyles d’Emerson, Lake Palmer que l’on pensait vieillot ou, pour les plus jeunes, d’aller les découvrir sur un des (trop) nombreux sites de streaming.

One Shot, One More

One Shot: A James

(Label Triton / L’Autre distribution)

Les quatre musiciens One Shot se sont réunis dans leur salle fétiche du Triton (ils y ont enregistré plusieurs albums) pour rendre hommage à leur guitariste, à leur frère, James Mac Gaw qui a quitté ce bas-monde en 2021. Ne serait-ce que pour la mémoire de leur ami, le groupe devait continuer. Donc sur scène ce soir-là, (09/10/21) les deux claviéristes qui se sont succédés dans l’équipe, Emmanuel Borghi, Bruno Ruder qui furent tous deux membres de Magma tout comme le bassiste Philippe Bussonnet qui le resta jusqu’en 2019. A leur côté, le batteur historique Daniel Jeand’heur. Au programme, quelques anciennes compositions qu’ils revisitent. L’univers de One Shot, entre rock électrique et jazz-rock électrisant, est quelque peu modifié, la structure des morceaux reste très proche, sans guitare mais avec deux claviers… Mais ils gardent ce gros son (très gros son même parfois), on retrouve cette capacité qu’à le bassiste de jouer le thème et le chorus dans la foulée. On se délecte de ces longs solos sur les divers claviers, appuyés par une batterie tellurique. Petit plus, pour le dernier titre du set, Jim Grandcamp, lui aussi de la Zeuhl family*, branche sa guitare pour 12 minutes anthologique d’un Ewaz Vader, avec son riff imparable, qui fut le titre phare du CD éponyme en 2006.

A l’écoute ce cette magnifique galette, il reste à espérer que One Shot continue sa route et que Grandcamp fasse désormais partie entièrement de la bande, il vient de prouver qu’il y avait sa place.
Que de régals futurs


*Zheul: langage inventé par Christian Vander pour Magma. Le mot désigne aussi l’univers qui entoure le groupe…

Thiéfaine débranché à Cannes

Seuls quelques strapontins et places éparses étaient encore vide quand, avec les traditionnelles dix minutes de retard, le quartet d’Hubert-Felix Thiéfaine (HFT pour les amis) prenait possession de la scène précédant de peu le chanteur, silhouette longiligne, vêtu de sombre, discrètes lunettes.
Unplugged donc: guitare acoustique, piano droit, violoncelle et saxophone basse pour attaquer le premier titre de ce concert, « La ruelle des morts », belle mise en condition. HFT n’est pas très disert, juste quelques mots entre les chansons, Vous n’êtes pas venu pour entendre des discours..., nous dit-il. Le roadie lui tend une superbe Martin D28.  » 542 lunes et sept jours environ » suit. Et toujours les magnifiques prestations de Frédéric Gastard qui joue, danse avec les six kilos de son saxophone basse autour du cou. Il se permet même quelques petites percussions d’une main, en soufflant de l’autre! Suivront pendant plus d’une heure et demie un florilège de chansons anciennes, très anciennes ou d’autres plus récentes tirées du dernier album « Géographie du vide » (nommé au victoires de la musique nous rappelle-t’il). Multi-instrumentistes, le bassiste passe à la batterie, le pianiste à la guitare et le celliste à la basse électrique pour de nouveaux arrangements de tubes que le public chante par cœur. On aura donc « Je t’en remets au vent », toujours aussi émouvant, « Pulque, Mescal y téquila » bien brindezingue et « Les dingues et les paumés » avec une superbe intro mais hélas un peu trop de synthés. Son groupe le quitte pour un « Vendôme Gardenal Snack » seul avec sa guitare. Mais ils reviennent juste après, Lucas Thiéfaine, le fiston mais aussi le directeur artistique, délaisse sa batterie pour épauler, enfin, une Gibson électrique pour un ou deux titres. C’est l’heure du rappel après la classique fausse sortie. De toute façon, ils ne peuvent pas partir, on n’a pas eu « La fille du coupeur de joints ». Et, après une très prenante version de « La Queue », la voilà donc celle qui descend de la montagne. . Quatre guitares, le saxophone reste sur son stand mais 1000 voix s’élèvent pour prendre ensemble une tranche de tagada-tsoin-tsoin. Final avec basse, batterie et sax, puis HFT et sa troupe rejoignent les coulisses.

Soirée et concert féerique mais Thiéfaine, c’est du rock alors vivement la tournée Re-plugged de 2023.

Le 22/01/22 au Palais des Festivals – Cannes (06)

Legraux Tobrogoï

Legraux Tobrogoï: Pantagruel résolu

(Alfred Production / InOuïe Distribution)

Fabien Duscombs: batterie, Nathanaël Renoux: trompette, Colin Jore: contrebasse, Florian Nastorg: saxophone baryton, Yvan Picault: saxophone ténor, Nicolas Poirier: guitare

Legraux Tobrogoï est un sextet de jazz toulousain qui a les idées larges. Ils intègrent dans leur musique toutes sortes d’influences, rock, free, afro beat, rythm and blues et autres mélodies d’ailleurs. Ils les malaxent à leur sauce pimentée pour nous proposer quelque chose de vraiment à part qu’ils appellent « Jazz populaire acharné ». Trois soufflants (baryton ténor, trompette) et guitare, basse, batterie.
Dès le début de l’album dans « Pitre Provisoire » (quel titre!) on se croirait dans une version déjantée du Peter Gunn Theme, façon Blues Brothers, avant que la trompette et les deux saxs ne partent dans une folle vrille que la guitare ne tardera pas à rejoindre! Par la suite, ils explorent d’autres univers sonores, d’autres fragrances musicales où chaque instrument a son fumet propre qu’il combine avec ses partenaires de scène, de studio. Le groupe a commencé il y a 20 ans comme une fanfare, la première fanfare à mobylette du monde, et on sent que ce passé continue de pulser dans les gènes de leur musique.  Quant à Pantagruel nul doute qu’il soit résolu!    

Ellinoa et Ophelia

Ellinoa: The Ballad of Ophelia

 (Music Box/Socadisc)

Ellinoa (vc), Olive Perrusson (vc, vla), Arthur Henn (vc, cb), Paul Jarret (g)

Ellinoa est le chantre du Wanderlust Orchestra, l’ensemble vocal et instrumental qu’elle dirige. Elle chante aussi dans le récent album Rituels, de l’ONJ. Mais sur ce projet qu’elle signe de son nom, la vocaliste a choisi une formation réduite. Un quartet pour raconter l’histoire tragique d’Ophélia, l’héroïne de Shakespeare. Ellinoa est donc accompagnée par un trio à cordes original, guitare, alto et contrebasse. Ni rock, ni pop, ni jazz. Ses aigus nous évoque ceux de Joni Mitchell. L’ambiance musicale nous rappelle parfois celle des albums d’Emilíana Torrini et les arrangements sophistiqués de Roland Orzabal ou celui plus récent avec The Colorist Orchestra. Mais au-delà de ces références anciennes, c’est la qualité des orchestrations, la beauté de toutes ces cordes (vocales comprises) qui s’entrelacent, que l’on retiendra.

Ellinoa crée un véritable univers pour sa musique, on imagine la belle et triste Ophélia errer sur ces mélodies lentes.

Thomas et Jimi

Thomas Naïm: Sounds Of Jimi

 (Rootless Blues / L’autre Distribution / Idol)

Thomas Naïm:guitares;  Marcello Giuliani: contrebasse; Raphaël Chassin: batterie.

Il est tentant quand on est guitariste et qu’on aime le rock de s’attaquer au répertoire de Jimi Hendrix. Mais il faut avoir quelque chose à dire avec ses dix doigts et ses six cordes pour que le jeu en vaille vraiment la chandelle et, à ce jeu-là, Thomas Naïm fait vraiment très fort. Il suffit d’écouter la version jazzy de Fire qui ouvre l’album pour se rendre compte qu’il ne veut pas faire un hommage, en jouant note à note, les morceaux du génial guitariste de Seattle, comme ces nombreux tribute bands insipides. La présence de Hugh Coltman et sa voix, savamment nonchalante, sur deux titres confirme la bonne impression du début. L’un des grands moments du disque est la reprise de Villanova Junction qui fit le bonheur des 30 000 personnes encore là, au petit matin du 18 aout 69, à Woodstock. le trio de Thomas Naïm en donne ici une version toute en retenue et en élégance. Evitant les fioritures ou les effets de manche (de Stratocaster). On s’amusera du jeu à la Dick Dale dans une adaptation étrange de Purple Haze. Parmi les autres invités de l’album, Erik Truffaz ornemente façon jazz Manic Depression avec sa trompette, on se prend à rêver qu’Hendrix puisse entendre ça! Quant aux deux titres en acoustiques, Little Wing et Voodoo Child, elles nous mènent au cœur du blues. Superbes arrangements pour un jeu tout en feeling.
Thomas et Jimi, paire d’as.

a blast from the past

Yves Rousseau Septet: Fragments

(Yolk Music/ L’Autre distribution)

Géraldine Laurent: saxophone alto
Étienne Manchon: claviers
Csaba Palotaï: guitare
Jean-Louis Pommier: trombone
Thomas Savy: clarinette basse
Vincent Tortiller: batterie
Yves Rousseau: contrebasse, compositions

Pour son nouvel album, le contrebassiste Yves Rousseau a voulu se plonger dans son passé, ses années « lycée », comme il le dit. Une époque où, avant de devenir musicien de jazz et improvisateur, il savourait le rock progressif. Les grands groupes de l’époque des 70′, King Crimson, Soft Machine…Des fragments du passé donc mais du jazz d’aujourd’hui avec un septet de haute volée.  Quatorze compositions en huit parties, toutes signées de la main du leader, exceptions faites d’une notule empruntée à David Crosby et de 2 minutes du Crimson King de Robert Fripp. Les trois soufflants (sax, clarinette, trombone) tirent la musique de Rousseau vers un jazz chambriste plutôt agité, alors que guitare, basse, batterie font des résurgences nettement plus prog. Les claviers d’Etienne Manchon oscillent entre les deux selon les morceaux. Si les arrangements sont cousus main, les sept membres du groupe se (nous) délectent de larges parties improvisées. Cet album, certes trempé dans les effluves du passé, est imprégné d’émotion, d’énergie et d’une certaine exaltation bien loin d’une vaine nostalgie.
Une bien jolie galette à glisser dans son lecteur, en espérant les apprécier aussi en live, un soir…

Lea Deman

Léa Deman : Black Rain

(Urban Noisy Records)

 

Lea Deman : Chant; Claude Barthélemy : Guitares; Stéphane Guéry : Guitare ;
Jean-Luc Ponthieu : Contrebasse, Basse;
Éric Groleau : Batterie

Après un album très jazz où elle chantait du Chet Baker, Léa Deman infléchit son répertoire avec des influences plus rock, plus blues qui vont fort bien avec sa voix qui se fait plus rauque moins charmeuse qu’avec Chet. Le lineup, deux guitares, basse, batterie ne laisse d’ailleurs aucun doute. Ça rock dès le deuxième titre « Why No Ending« . Si la chanteuse signe et écrit toutes les compositions, la direction artistique est confiée à l’ex chanteuse Guesch Patti, mais le disque doit aussi beaucoup aux arrangements -et au jeu- du guitariste Claude Barthelemy. Quelques réminiscences jazz reviennent dans « Berceuse Bleue » qu’elle chante en anglais malgré le titre, un phrasé à la Dee Dee Bridgewater. Mais, le sommet de l’album est l’excellent blues en deux parties à deux guitares rageuses, « I’m A fool« , Barthelemy et Guery se partagent les chorus, faisant hurler leur guitare avec un plaisir manifeste. Vers la fin, Lea Deman se laisse aller à swinguer avec « My Friends« , ces amis qui l’aident parfois à remonter la pente.
Une voix chaude à découvrir avant que l’été ne décline.