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NJF – Jour 3

Nice Jazz Festival  –  09 juillet 2015

Une soirée qui commençait par un duo, Gregory Privat et Sonny Troupé Le premier au piano, le second derrière son Ka, une percussion traditionnelle des Antilles. privat Sonny Un dialogue entre les deux instrumentistes comme nous le présentera le pianiste lui-même dès le début du set. Une musique chaude et pas seulement à cause du soleil virulent de cette fin d’après-midi. Une musique où les sonorités caribéennes s’enchâssent dans un jazz moderne aux lignes mélodiques et rythmiques audacieuses. Deux jeunes musiciens à suivre. Deux musiciens que l’on reverra sans l’ombre d’un doute.

delage khan blOn quittait le théâtre de verdure pour suivre une partie de l’entretien du journaliste Ashley Khan avec l’historien Christian Delage à propos des cinquante ans du « Love Supreme » de John Coltrane. Maître Khan aura durant ce festival évoqué deux des figures primordiales du jazz, Billie et John!

Venait l’heure de Brad Mehldau…Il a certes réinventé, dit-on, l’art du trio. Un jazz très technique, très froid où chaque note des trois musiciens est à la bonne place et à la bonne hauteur mais un peu exsangue. On eut aimé un peu plus d’émotions, on eut aimé que son jazz fût aussi coloré que son très beau pantalon no apnorange (que vous ne verrez pas, toutes photos étaient interdites). Mais si on en juge aux applaudissements fournis ils en ont ravis plus d’un.

La fin de soirée était placée sous le signe du charme. Celui du chanteur Kurt Eilling. kurt blCostume beige avec la pochette assortie, chemise blanche, chaussures étincelantes. Et la voix, la voix surtout, langoureuse et puissante. Il semblait parfois vouloir avaler son micro d’un trait!
Parfaitement soutenu par ses quatre acolytes, il enchaine les titres, les reprises desquels, oh surprise, on reconnaitra le « When The Street Has No Name » de U2, transfigurée en une ballade à la Sinatra.

Une soirée bien différente de celle de la veille comme quoi le jazz a de multiples facettes.

Une rapide incursion coté Masséna, nous permit de découvrir le duo Ibeyi, Ibeyideux jeunes franco cubaines et leur musique électro-ethnique non dénuée de charme.

Soleil Noir – Marseille

Marseille Noir« Marseille Noir »
présenté par Cédric Fabre
aux Editions Asphalte, 21€

Marseille bleue, Marseille Blanche, les deux couleurs de la ville, mais aussi Marseille orange du soleil qui se couche dans la mer ou bien Marseille rouge du sang qui coule dans un règlement de compte. Quelle ville pouvait mieux que Marseille rentrer dans cette collection des villes noires éditées par Asphalte. Mais il fallait à tout prix éviter les clichés, les caricatures pour raconter la cité, c’est à travers quatorze voix, quatorze auteurs, pas tous issu du polar ou du roman noir, réunis par Cédric Fabre que de quartiers en villages vous pourrez découvrir cette ville. Bien que noires de nombreuses nouvelles nous parlent en fait d’amour, de trahison, de déception, de l’irrésistible attrait qu’exerce la méditerranée, de ces populations multiples métissés mais pas toujours intégrées, le trajet en bus, le « 49 » que raconte François Beaune en est un bel exemple. Marseille est tellement grande qu’elle va juste qu’aux Comores avec les mots de Salim Hatubou. On peut aussi très bien parler de Marseille sans y être né, la danoise Pia Petersen le prouve très bien en évoquant son amour ambigu pour la ville. La pègre ou la dope ne pouvaient pas être oubliés bien, deux récits très émouvants de Christian Garcin et de Rebecca Lighieri. Le foot se devait aussi d’être présent mais il est très astucieusement esquivé par François Thomazeau. Il est parfois plus difficile de traverser en rond-point que d’aller flinguer un type pour Philippe Carrese tandis qu’un livre bien épais peut aussi devenir une arme de règlements de compte entre voisins chez Patrick Coulomb; qui donnent tout deux de la place à l’humour, noir bien sûr car Marseille est aussi joyeuse. Marseille bien que maritime peut être aussi très minérale, très aride dans le texte de Marie Neuser. René Fregni réussit grâce aux olives à mettre de la poésie dans une histoire de vengeance. Serge Scotto réserve quant à lui un chien de sa chienne à sa ville et à son plateau. Si Matisse et bien d’autres on peint l’Estaque, Emmanuel Loi ne le voit pas avec les mêmes couleurs. Minna Sif promène elle son personnage (on ne saurait dire héros) dans le triangle fameux et mal famé Porte d’Aix, Gare St Charles, Vieux port. C’est en musique comme il se doit que Cédric Fabre, le maitre d’œuvre clôt ce recueil. La musique du port, du mistral, 160bpm et clap de fin.

Marcus Malte « Fannie et Freddie »

Marcus Malte  « Fannie et Freddie »

Zulma, 15.50€

 

Fannie et FreddieAprès un détour par la Série Noire pour l’excellent « Les Harmoniques » transformé depuis en spectacle musical et littéraire, Marcus Malte retrouve « sa » collection chez Zulma d’où avait émergé le sublime et multi récompensé « Garden Of Love ». Dans ce « Fannie et Freddie », point de jazz, de chauffeur de taxi ou de flic défraichi, simplement deux personnages, une femme, Fannie, un homme Freddie, une maison et le tube de Nirvana « Smells Like Teen Spirit« . Fanny à une vieille Corolla, Freddie, un coupé Mercedes. Ils ne sont pas censés se rencontrer et pourtant!

Un très court roman, 90 pages, denses, sombres mais humaines jusqu’au bout du désespoir. « Elle esquisse un sourire mais son reflet dans la glace ne le lui rend pas. Elle soupire puis se détourne. Elle ne peut pas mieux faire« . Mais cela n’empêchera nullement Fannie d’accomplir jusqu’au bout la vengeance quelle a minutieusement préparée. Et Freddie, golden boy de Wall Street se retrouvera, pieds et poings liés dans le « basement » de la petite maison de Fannie, au New Jersey. La crise des subprimes n’est pas que théorique, elle a laissé sur le carreau de nombreuses personnes et Fannie veut sa revanche, une toute petite revanche somme toute, elle la veut vraiment et elle a un Smith & Wesson.

Ses lecteurs savent que Marcus Malte est un très grand styliste. Il signe une nouvelle impeccable mais implacable partition littéraire. Un duo Andante pour vengeance et désespoir. Silence, contrepoint, break, appogiature. Dans ce récit, le rythme, le son des mots font aussi sens que les mots eux-mêmes. Les sentiments, la désespérance affleurent la page, atteignant le lecteur au plus profond comme dans un morceau de Coltrane où chaque instrument va, de la petite note de piano, des ballets sur la caisse claire, le souffle caverneux de la clarinette basse au chorus de saxophone, bâtir un thème, une mélodie, une œuvre, une émotion.

Ce récit est accompagné d’une autre courte histoire, déjà publiée dans la trop tôt défunte collection « Noir Urbain » chez Autrement. « Ceux qui construisent les bateaux ne les prennent pas » *. Une variation sur le même thème. On quitte les Etats-Unis pour le sud de la France. Mais la fin des chantiers navals de La Seyne/mer a créé une désolation similaire que le ressac des bords de la méditerranée n’arrivera pas à contenir. Longtemps un de mes textes préférés de Marcus Malte enfin réédité.


* le titre initial était : »Plage des Sablettes, souvenirs d’épaves ».